La nouvelle étonnante reçue ce matin sur "l’affaire DSK" http://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20110701trib000633660/dominique-strauss-kahn-est-libere-sur-parole.html ne pose pas que la question de la destruction rapide de la réputation d’un homme ou de la suite des primaires socialistes en France. Ni même celle du fonctionnement de la justice américaine.
Additionnée à toute une série d’événements informationnels intervenue depuis plusieurs mois, elle nous interroge sur les stratégies de fabrication des informations que nous recevons et sur les influences mondiales comme instrument de formatage du monde. En clair, dans une période où l’information est devenue une matière première et même une énergie des plus répandues et des plus accessibles, son traitement est-il devenu aujourd’hui un mode d’intervention politique au même titre que la négociation internationale ou même que la force ? Dans ce cas, il est urgent de fournir à chaque citoyen du monde, et pour commencer, de la France, une capacité minimale d’analyse.
Est-on dans la paranoïa ou dans le décryptage quand on énonce les conséquences objectives du scandale médiatique qui a touché Dominique Strauss-Kahn ? Rappel des faits :
- d’un coup, sans d’interminables négociations, départ du FMI d’un Directeur général dont les positions certes assouplies mais fondamentalement régulatrices en gênaient plus d’un, au moins parmi les acteurs des marchés financiers, pour lesquels un nouveau paramétrage de la gouvernance financière mondiale pouvait avoir des conséquences incalculables ;
- son remplacement par une personnalité notoirement libérale et proche des Etats-Unis, qui curieusement n’avait en face d’elle qu’un seul concurrent, visiblement moins attractif, tous les autres ayant été éliminés avant la sélection finale. Quelle que soit sa compétence, le consensus quasi-total que la candidature de Mme Lagarde a reçu en Europe est également sujet à question : en intelligence économique, la trop grande unicité de voix pousse à soupçonner de fortes influences en amont. D’autant que des remarques de bon sens ont été émises : comment les Européens n’ont-ils pas craint que la nomination ‘un(e) Européen(ne) au FMI ne lui lie les mains sur l’Europe par la crainte d’accusation de favoritisme ? Comment n’ont-ils pas envisagé que favoriser un candidat d’un pays émergent aurait pu être un coup politique majeur pour l’Union européenne ?
- on peut aussi trouver étrange la révélation de la faiblesse de l’accusation de DSK trois jours après que son remplacement au FMI ait été définitivement entériné. Et ce alors qu’il est acquis que la preuve de cette faiblesse (l’enregistrement de la conversation de la femme de chambre) datait des heures qui suivirent les faits incriminés ;
- plus profondément encore, ce qui a été dit sur DSK puis sur les relations homme-femme en général en France, les remises en place adressées avec auto-satisfaction aux donneurs de leçons gaulois ont encore assombri une image de la France déjà bien amochée depuis quelques années. Il ne s’agit pas d’amour-propre, mais de crédibilité, qui entamée, affaiblit celui qui porte un message. Et des messages mondiaux, nous en avons un certain nombre, sur la nécessité d’encadrer la spéculation des matières premières notamment agricoles, sur notre souhait à nous Français de conserver des filets sociaux minima, etc.
Est-on dans la paranoïa ou dans le décryptage quand on examine l’affaire Wikileaks http://wikileaks.org/:
- déclenchement d’un énorme scandale médiatique avec des fuites venant des ambassades américaines, elles-mêmes exposant les positions secrètes d’autres ambassades et gouvernements ;
- mise en cause des moyens de sécurité de la diplomatie américaine mais en en sens inverse, déploiement d’une vision du monde au prisme américain ;
- production de « bombes médiatiques » sur certains régimes corrompus, dont au Maghreb et au Machrek. Certains voient dans ces fuites la première phase des révolutions arabes ;
- parallèlement, mise en cause sexuelle de Julian Assange (décidément, ils sont tous obsédés !! ??) pour en faire, in fine, une victime…
… dont on ne parle plus du tout depuis six mois ; comme si les faits s’étant déroulés comme prévu, il n’y avait plus aucun intérêt à poursuivre l’histoire. Pour l’instant.
La diffusion d'information pendant ces mêmes révolutions arabes, notamment par la chaîne Al jazira mais aussi par les autres, a été mise en cause par très peu de monde au moment des faits. Il semble pourtant qu’elle n'ait pas été exempte d’erreurs, comme la fameuse gifle tunisienne qui n’a finalement jamais existé, mais que là encore, les citoyens aient été des consommateurs avides de nouvelles qui leur font plaisir, et pire, que les journalistes aient été des transmetteurs peu critiques de storytelling comme disent les professionnels. Ce n’est pas nouveau. Sauf qu’aujourd’hui, tout le monde participe à ces grand-messes fascinantes, par le web et les réseaux sociaux, ce qui permet toutes les légitimations –ou instrumentalisations, et à grande échelle.
Il serait beaucoup trop long de rechercher « les organisateurs » et sans doute sont-ils très nombreux, chacun cherchant une zone d’influence dans le grand jeu où quelques-uns interviennent. Avec comme moyen d’action l’information directe de masse. Ce qui conduit à militer pour une formation à des techniques simples d’analyse de l’information dès le plus jeune âge, comme je l’ai déjà proposé, et, dans le secondaire et le supérieur, à au moins des rudiments d’intelligence économique. En entendant cette discipline dans son vrai sens, qui est celui du décryptage, de l’anticipation et de l’action sur son environnement extérieur. Il s’agit d’un enjeu économique mais aussi politique et citoyen. On ne peut pas laisser se formater la gouvernance du monde sans au moins être conscient de ses mécanismes et de ses acteurs, et si possible, agir.
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