vendredi 2 décembre 2011

lundi 14 novembre 2011

Pour une IE efficace et responsable

J'en ai eu un peu assez de voir parler de l'IE uniquement en termes de pratiques douteuses, de guerre, d'intrusion, de "gris" ou de "noir", etc. Alors de manière peut-être moins"sexy" , j'ai essayé de la définir dans une tribune, voir Le Monde.fr

mercredi 2 novembre 2011

Indignée ?

Indignée ? J'ai tendance à comprendre les Indignés même si je suis agacée par certaines personnalités qui les poussent et qui n'ont pas toujours été indignées par les ors de la République.
Je discutais récemment des Indignés avec un jeune Américain, démocrate.Il me disait détester l'attitude "victimaire"de personnes qui bénéficient en Europe de : Education gratuite, Soins médicaux gratuits, Six semaines de vacances par an, Une semaine de travail de 35 heures, Une protection contre la « précarité » i.e. on ne peut pas te virer même si tu ne travailles pas, Le droit de faire la grève à volonté, Une protection pour certains métiers comme pharmacies et cafés qui exclut tous les nouveaux entrants, Un pourcentage incroyable de la classe moyenne qui ne paie même pas d’impôts et (très "drôle" c'était son cas "un étudiant étranger du plus riche pays du monde dans un programme MBA local qui reçoit des chèques mystérieux de plusieurs centaines d’euros qui proviennent de la CAF pour les raisons qu’il ignore toujours".
Il est vrai que l'on peut se poser la question de savoir pourquoi c'est en Europe et maintenant aux Etats-Unis, zones (encore) les plus riches du monde, qu'il y a autant de mécontents. Eh bien je pense qu'ils sont indignés avant tout par ce qu'on pourrait appeler la négligence ou la passivité, ou encore l'incompétence, en tout cas l'absence d'humanisme (je ne dis même pas de morale) de la majorité (pas toutes heureusement) de leurs élites depuis au moins 20 ans. A une époque de croissance où il était possible de faire les réformes nécessaires pour préserver l'avenir, réformes d'ailleurs pas forcément d'économies mais aussi d'investissements réels dans l'éducation, la recherche, ils n'ont songé semble-t-il qu'à profiter du moment. Aucune adaptation aux nouveaux enjeux de la mondialisation. Alors maintenant il faut le faire et on ne trouve rien de mieux que d'adopter une approche purement quantitative. Bref une absence de sens qui inquiète.
Certes ils ont des raisons objectives d'indignation, ces indignés,comme en Espagne, 50% de chômage chez les jeunes. Mais il s'agit aussi d'attitudes que l'on supporte mal. En France, je suis moi-même indignée par beaucoup de choses, une par exemple, qui témoigne d'une absence de morale de certains dirigeants : l'utilisation des stages comme emplois, qui permet de pourvoir à des postes permanents par des diplômés Bac + 4 voire 5 payés 400 euros par mois, auxquels on fera miroiter un CDI pour les motiver. C'est tout simplement honteux et dans mes activités de professeur, je commence à reconnaître ces faussaires (entreprises avec pignon sur rue). J'ai pris la décision de non seulement ne pas faire circuler leurs offres, sauf évidemment exceptions de très grand intérêt, mais aussi de leur faire remarquer leur décalage. Heureusement, il y a plus de propositions décentes que le contraire.
Pour revenir à nos indignés, je le suis aussi, ou plutôt un peu effrayée, quand j'entends comme encore hier matin (c'est quasiment tous les jours en ce moment) France Inter Mme El Karoui professeur de mathématiques financières à Polytechnique interrogée en compagnie d'experts dont je n'aipas saisi le nom, dont il ressort au total exactement le même discours qu'en 2008 au moment de la première crise : eh oui, les produits dérivés peuvent donner lieu à excès, eh oui les opérations à haute fréquence (=automatisées par des ordinateurs qui émettent des ordres au millième de seconde) sont compliquées à manager, il faut les réguler. Ah mais mais on ne peut pas réguler si on n'a pas anticipé. Ah bon, alors il fallait anticiper, eh oui mais il est trop tard. Alors que fait-on? Eh bien, on essaie de voir avec nos partenaires mais c'est compliqué, il y a toujours les US et UK qui ne sont pas d'accord. Je caricature à peine. Je n'en veux nullement à cette dame ni à ces experts, que je prends comme échantillons de la plupart de nos dirigeants et de nos media: un étonnement sans fond devant les conséquences de la mondialisation, un discours peu argumenté, un mélange de formules incantatoires et de résignation soi-disant réaliste.
Mais que font donc les gens qui ont des responsabilités en France ? Du côté des dirigeants privés et publics, essaient-ils parfois de prévoir autre chose que leur propre avenir ou au mieux, celui de leurs actionnaires? Du côté des experts, sachants etc. pensent-ils aux conséquences collectives de ce qu'ils enseignent ou conseillent ? Malgré toutes les manifestations de "responsabilité sociale" tous sont-ils une seconde intéressés par les conséquences de leurs actes sur l'intérêt général ? Quand ils sont choqués par des décisions des marchés ou par des bonus insensés de traders et de CEOs (y compris en France) que font-ils ? N'y a -t il pas place pour de temps en temps parler, quand on le peut? Au niveau de la France, quid d'un bon lobbying, celui des idées, auprès des Européens et dans le monde, pour convaincre de maintenir une garantie minimale de l'intérêt général au niveau mondial, en encadrant les excès? Mais pour réussir cela, il faut d'abord bien comprendre les règles et les mécanismes internationaux, et les anticiper. C'est l'un des aspects de l'Intelligence économique qui se retrouve curieusement une alliée des Indignés. L'eût-on cru ?Je renvoie les lecteurs qui trouveraient mes affirmations par trop péremptoires à la lecture de mon livre "Nous et le reste du monde" (2007) où j'ai détaillé et argumenté mes affirmations. ou encore à se reporter à mon intervention sur "La crise et l'Europe" à Démocratie 2012 en septembre dernier.

jeudi 15 septembre 2011

La crise et l'Europe : les vraies raisons

Voir résumé de ma conférence du 13 septembre sur le site IrisAction
Voir l'Europe telle qu'elle est (à profondément modifier) et non pas telle que l'on voudrait qu'elle soit!

dimanche 11 septembre 2011

Services de base en France : sachons "râler"

Je vous préviens: je change un peu de sujet. Aujourd'hui, thème non planétaire!! ... petit niveau diront peut-être certains... J'assume.

Où sont les grands mouvements de défense du consommateur ?

Aujourd'hui les services de base sont souvent mal rendus en France et personne n'a l'air de s'en soucier. C'est un déni de respect du citoyen consommateur, un mépris de la part de fournisseurs tout-puissants alors même qu'ils nous abreuvent de newsletters sans intérêt et de publicités débilitantes.
Citons :
- ERDF : du 5 au 6 août dernier, en plein coeur de Paris 8è, panne de courant d'une durée de 22h , oui, vous avez bien lu, 22. La raison ? un orage qui a inondé les installations souterraines d'ERDF. Dans toute une série d'immeubles, à partir de 18h, on n'a pas pu rentrer tant que personne ne sortait, il a fallu passer la nuit à la bougie et attendre jusqu'à 16h le lendemain. A Alger,le fournisseur s'engage à ne pas faire durer une panne d'électricité plus de 6h. Ce n'est que le samedi à 14h que des tranformateurs arrivent de Versailles pour réalimenter le secteur. Ils tomberont en panne eux-mêmes le surlendemain ... faute d'essence...
- Aéroports de Paris: glauque l'ambiance le soir au terminal Roissy B 2F/2E, surtout quand les avions prévus pour arriver à l'un arrivent souvent à l'autre au dernier moment, ou quand on fait systématiquement la queue pendant 30 mn pour se faire rembourser la détaxe en espèces (il est vrai que quand on choisit le remboursement sur RIB -lettre à envoyer à des services de la douane en... Tchécoslovaquie... oui oui... pour des achats effectués en France-, on risque de ne pas recevoir le paiement, 2 de mes proches en ont fait l'expérience) ou quand le seul bistrot ouvert à 21h refuse de servir à une table parce qu'elle est trop loin du comptoir et intime au client de se coincer entre 2 tables ou quand une entrée de sécurité est brutalement changée et qu'on fait faire demi-tour à un groupe entier de Chinois chargés, pour un moment après leur dire qu'il faut revenir, etc. etc. L'arrivée du RER est loin de tout (on rêve de l'aéroport de Hong Kong!) et les taxis arrivent par grappes de malheureux mécontents, retenus dans des conditions détestables, quand ils ne se livrent pas à des permutations de conducteurs (un chauffeur il y a un an m'a demandé comment il fallait faire pour aller à l'Assemblée nationale, un autre ne connaissait pas le Marais, etc. ). Roissy mériterait d'être repris en main sur l'organisation et sur la sensibilisation des personnels. IL EN VA DE NOTRE IMAGE AUPRES DES ETRANGERS (si cela intéresse bien quelqu'un en France!!). Une mention Bien cependant à Air France, dont l'amabilité et l'efficacité du personnel se sont beaucoup et durablement améliorées;
- Emploi: une jeune femme que je connais finit son contrat dans 2 semaines et va se faire inscrire pour trouver un poste intérimaire : à l'Agence, on lui demande d'attendre d'avoir terminé son job actuel pour chercher du travail... et à Pôle Emploi, on lui dit qu'il faut un délai de 2 semaines avant de l'inscrire et de pouvoir lui fournir les offres pouvant l'intéresser, en attendant, qu'elle fasse une formation... mais elle ce qu'elle veut, c'est travailler! et dans son domaine on embauche. Donc pourquoi la faire attendre ?

Et encore : est-il normal qu'on ne capte pas Orange dans plusieurs zones régionales, non reculées et surtout, que personne ne réponde quand on le leur signale? La liste est longue. Et je n'ai pas parlé du mal que l'on a à faire mettre en place les accès internet ou à se défendre contre des erreurs administratives de tarifications (c'est l'informatique).

Tout cela est petit, bas, mesquin... pas digne d'être écrit ni lu... mais c'est le quotidien de la plupart des Français, que sans doute ne vivent pas les politiques. Non je ne fais pas de populisme. Mais je crois salutaire de "râler" et ne pas se laisser faire par ces gigantesques machines décérébrées sauf sur les chiffres de cash, ni par ces politiques qui nous disent de manière lénifiante (cf. C Lagarde quand elle était ministre de l'Economie) : "mais comparez, faites donc jouer la concurrence entre les services!!". Ah oui? Facile en effet d'aller discuter avec ADP, ERDF ou Orange.

Je crois qu'il y a une perte générale de compétence dans les niveaux intermédiaires et dans les tâches administratives, dont il faut rendre reponsables les chefs employeurs d'abord : ils embauchent des personnes non qualifiées pour les payer moins et ils ne les forment pas. Pour faire des économies, on supprime les cadres moyens et d'une manière générale, les personnels sont peu dirigés et peu motivés par un middle management soit disparu soit affaibli et la plupart du temps lui-même mal géré. Ou encore, on privatise à tout va sans encadrer correctement les sous-traitants auxquels on délègue le service (ex-public) et là encore, en les sous-payant. Mais en contrepartie, on fait du buzz vert sur les efforts en matière de développement durable et de responsabilité sociale...

Le management régresse terriblement malgré tous les jeunes cerveaux qui sortent chaque année des Ecoles de commerce. Mais cela est une autre histoire sur laquelle je reviendrai.

vendredi 1 juillet 2011

DSK, Wikileaks…Informations et influences

La nouvelle étonnante reçue ce matin sur "l’affaire DSK" http://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20110701trib000633660/dominique-strauss-kahn-est-libere-sur-parole.html ne pose pas que la question de la destruction rapide de la réputation d’un homme ou de la suite des primaires socialistes en France. Ni même celle du fonctionnement de la justice américaine.

Additionnée à toute une série d’événements informationnels intervenue depuis plusieurs mois, elle nous interroge sur les stratégies de fabrication des informations que nous recevons et sur les influences mondiales comme instrument de formatage du monde. En clair, dans une période où l’information est devenue une matière première et même une énergie des plus répandues et des plus accessibles, son traitement est-il devenu aujourd’hui un mode d’intervention politique au même titre que la négociation internationale ou même que la force ? Dans ce cas, il est urgent de fournir à chaque citoyen du monde, et pour commencer, de la France, une capacité minimale d’analyse.

Est-on dans la paranoïa ou dans le décryptage quand on énonce les conséquences objectives du scandale médiatique qui a touché Dominique Strauss-Kahn ? Rappel des faits :
- d’un coup, sans d’interminables négociations, départ du FMI d’un Directeur général dont les positions certes assouplies mais fondamentalement régulatrices en gênaient plus d’un, au moins parmi les acteurs des marchés financiers, pour lesquels un nouveau paramétrage de la gouvernance financière mondiale pouvait avoir des conséquences incalculables ;
- son remplacement par une personnalité notoirement libérale et proche des Etats-Unis, qui curieusement n’avait en face d’elle qu’un seul concurrent, visiblement moins attractif, tous les autres ayant été éliminés avant la sélection finale. Quelle que soit sa compétence, le consensus quasi-total que la candidature de Mme Lagarde a reçu en Europe est également sujet à question : en intelligence économique, la trop grande unicité de voix pousse à soupçonner de fortes influences en amont. D’autant que des remarques de bon sens ont été émises : comment les Européens n’ont-ils pas craint que la nomination ‘un(e) Européen(ne) au FMI ne lui lie les mains sur l’Europe par la crainte d’accusation de favoritisme ? Comment n’ont-ils pas envisagé que favoriser un candidat d’un pays émergent aurait pu être un coup politique majeur pour l’Union européenne ?
- on peut aussi trouver étrange la révélation de la faiblesse de l’accusation de DSK trois jours après que son remplacement au FMI ait été définitivement entériné. Et ce alors qu’il est acquis que la preuve de cette faiblesse (l’enregistrement de la conversation de la femme de chambre) datait des heures qui suivirent les faits incriminés ;
- plus profondément encore, ce qui a été dit sur DSK puis sur les relations homme-femme en général en France, les remises en place adressées avec auto-satisfaction aux donneurs de leçons gaulois ont encore assombri une image de la France déjà bien amochée depuis quelques années. Il ne s’agit pas d’amour-propre, mais de crédibilité, qui entamée, affaiblit celui qui porte un message. Et des messages mondiaux, nous en avons un certain nombre, sur la nécessité d’encadrer la spéculation des matières premières notamment agricoles, sur notre souhait à nous Français de conserver des filets sociaux minima, etc.

Est-on dans la paranoïa ou dans le décryptage quand on examine l’affaire Wikileaks http://wikileaks.org/:
- déclenchement d’un énorme scandale médiatique avec des fuites venant des ambassades américaines, elles-mêmes exposant les positions secrètes d’autres ambassades et gouvernements ;
- mise en cause des moyens de sécurité de la diplomatie américaine mais en en sens inverse, déploiement d’une vision du monde au prisme américain ;
- production de « bombes médiatiques » sur certains régimes corrompus, dont au Maghreb et au Machrek. Certains voient dans ces fuites la première phase des révolutions arabes ;
- parallèlement, mise en cause sexuelle de Julian Assange (décidément, ils sont tous obsédés !! ??) pour en faire, in fine, une victime…
… dont on ne parle plus du tout depuis six mois ; comme si les faits s’étant déroulés comme prévu, il n’y avait plus aucun intérêt à poursuivre l’histoire. Pour l’instant.

La diffusion d'information pendant ces mêmes révolutions arabes, notamment par la chaîne Al jazira mais aussi par les autres, a été mise en cause par très peu de monde au moment des faits. Il semble pourtant qu’elle n'ait pas été exempte d’erreurs, comme la fameuse gifle tunisienne qui n’a finalement jamais existé, mais que là encore, les citoyens aient été des consommateurs avides de nouvelles qui leur font plaisir, et pire, que les journalistes aient été des transmetteurs peu critiques de storytelling comme disent les professionnels. Ce n’est pas nouveau. Sauf qu’aujourd’hui, tout le monde participe à ces grand-messes fascinantes, par le web et les réseaux sociaux, ce qui permet toutes les légitimations –ou instrumentalisations, et à grande échelle.

Il serait beaucoup trop long de rechercher « les organisateurs » et sans doute sont-ils très nombreux, chacun cherchant une zone d’influence dans le grand jeu où quelques-uns interviennent. Avec comme moyen d’action l’information directe de masse. Ce qui conduit à militer pour une formation à des techniques simples d’analyse de l’information dès le plus jeune âge, comme je l’ai déjà proposé, et, dans le secondaire et le supérieur, à au moins des rudiments d’intelligence économique. En entendant cette discipline dans son vrai sens, qui est celui du décryptage, de l’anticipation et de l’action sur son environnement extérieur. Il s’agit d’un enjeu économique mais aussi politique et citoyen. On ne peut pas laisser se formater la gouvernance du monde sans au moins être conscient de ses mécanismes et de ses acteurs, et si possible, agir.

°°°

samedi 7 mai 2011

China, international monetary system and G20

Un article clair de Laure Pallez, analyste risques crédit, Dauphine/HEC, sinophone, en Chine depuis plusieurs années, actuellement au John Hopkins Nanjing University Joint Center , sur le rôle de la Chine au G20 sur les questions monétaires : G20 in Nanjing: China’s Role in Reforming the International Monetary System http://www.hncnews.org/2011/03/g20-in-nanjing-china%e2%80%99s-role-in-reforming-the-international-monetary-system

samedi 26 mars 2011

Service public et mondialisation - "Nous et le reste du monde"

Le service public français [http://fr.wikipedia.org/wiki/Service_public] est une construction établie au fil de l’histoire, qui a donné dans le passé d’excellents résultats en termes d’équipement du pays et de protection sociale générale. Il est assumé par l’Etat qui parfois en délègue la mise en œuvre. Son problème d'aujourd’hui est qu’il n’avait pas (ou avait peu) évolué dans sa gestion depuis trente ans, du fait d’élites devenues myopes et pour tout dire souvent incompétentes. Du coup, croyant bien faire, les décideurs actuels tentent de le "moderniser" à coup de process et de ratios.

Ce n'est pas la bonne méthode.

Notre pays a depuis la fin du XIXè siècle peu à peu construit un modèle qui est aujourd’hui grippé faute d'avoir été correctement actualisé, mais qui n’est pas pour autant à jeter. Il faut le moderniser, ce qui ne veut pas dire le faire disparaître dans sa conception. Il faut le redynamiser pour nous-mêmes, pour notre économie, et aussi pour notre rayonnement international. Dans la gouvernance mondiale, il peut être un atout. Voir "La gouvernance mondiale a commencé - acteurs, enjeux, influences" http://editions-ellipses.fr/gouvernance-mondiale-a-commence-la-p-5418.html

Il faut moderniser les structures administratives à partir d’une vision politique et d’une stratégie qui tiennent compte de cet historique et qui ne soient pas des « copiés-collés » venant d’autres modèles, notamment du modèle dit anglo-saxon, qui en fait est celui -unique- aujourd’hui véhiculé par les grands cabinets internationaux, fonds, banques d'affaires, et même hélas souvent banques de développement… Celui-ci est devenu une sorte d’idéologie qui comme toutes les idéologies est appliquée sans nuance par ses tenants.

Aujourd’hui certaines mesures prises en France font craindre que leurs promoteurs ne soient victimes de ces préjugés intellectuels ou de cette mode. Les fameuses cellules RGPP sont dominées par des auditeurs privés utiles pour traquer les coûts, qui ont trouvé là des marchés nombreux et bien payés, mais dont la compétence devrait être utilisée et maîtrisée par une vision politique qui intègre d’autres considérations. Sinon, on peut aboutir à casser des outils qui ont seulement besoin d’être réparés. Et ces outils ne sont pas ceux d’un seul établissement, mais de la démocratie française.

Ces décideurs mal inspirés ne font que suivre des orientations données il y a plusieurs années par les institutions de Bretton Woods et par l'OCDE, qui sont parfois allées fort loin dans des pays peu aptes à argumenter, (cf. par exemple l’initiative de cette dernière en octobre 2007 «Partnership for Democratic Governance », qui avait pour objectif de conseiller les Etats en faillite sur la concession au privé de certaines fonctions régaliennes (Justice, Douanes, collecte d’impôts). La France, elle, s'applique toute seule ces méthodes! Alors que même les institutions les plus libérales comme celles précitées en reviennent (voir infra))...

Le service public ou la prestation d'intérêt général, sont composés d’éléments qualitatifs, dont les calculs, grilles et ratios ne peuvent complètement rendre compte. Etrangement, d'ailleurs, l'approche "scientifique" prônée par les auditeurs en tous genres prend rarement en compte les coûts de la disparition des services publics. De la même manière que l'on calcule les externalités -ou bénéfices/coûts collectifs induits- dans les prévisions d’infrastructures, on pourrait certainement "s’amuser" à calculer les coûts à terme en matière de santé, d’éducation, de comportement social… occasionnés par la disparition des structures publiques, notamment en milieu rural, dans les banlieues et à l'étranger.

Un service public de qualité contribue à ce que les économistes appellent « le bien-être » ou « l’indice de bonheur » économiques. Nous possédons une administration de qualité, très généralement honnête, très consciente de son rôle (trop même, c’est le problème souvent, au point d’être imbue de son importance). Il faut corriger ses défauts, dont l'essentiel est le corporatisme exacerbé camouflé sous l'intérêt général, mais là , bien sûr , c'est plus dur parce qu'il faut du courage politique!! Comment s'y prendre ? Eh bien par la formation continue et surtout... par l'exemple venu de haut.

Ne peut-on essayer aussi :
1) de mieux gérer les compétences existantes, c’est-à-dire le cas échéant les réaffecter ? C’est le cas par exemple des censément "trop nombreux" ambassadeurs que l’on pourrait utiliser dans des ministères dits techniques pour les relations internationales qui s’y développent ;

2) de réduire les aides de l’Etat inutiles (au lieu d’en prendre de nouvelles pour compenser des projets de « libéralisation : c’est l’exemple du projet que j’ai entendu sur la libéralisation de l’installation de la grande distribution assortie d’aides « temporaires » au petit commerce).
Il y a notoirement trop d’aides aux entreprises (3800 tout compris, en comptant les locales, régionales et autres), et là pour le coup trop de monde à Paris et en régions pour gérer ce qui est devenu un maquis kafkaïen, d'ailleurs connu uniquement des spécialistes qui en ont le temps, donc des grandes entrpeirses... Il faut les réduire et les simplifier ;

3) de calculer à long terme.
Recourir à l’intérim, très bien, mais d’une part en limitant ces recours à des secteurs très techniques et non sensibles, d’autre part, il n’est pas sûr du tout que cela fasse baisser les coûts in fine…
Recruter de plus en plus sur contrats privés, très bien, mais selon quelles procédures ? Avec des indemnités de licenciement négociables en cas de départ ?

4) de changer l’approche intellectuelle des fonctionnaires et pour commencer des hauts fonctionnaires : par un changement des enseignements dans les grandes écoles, et dès aujourd’hui des formations dans les ministères, notamment à l’international, à l'intelligence stratégique et à la comparaison (benchmark).

Et encore :
- La multiplication des agences et autorités de régulation est-elle une bonne chose pour la cohérence des politiques ?
- A-t-on essayé de mettre en cohérence les fonctions parfois triplement assumées par fonction publique nationale et territoriale ? Et de regarder aussi les coûts et modes de recrutement des fonctions publiques territoriales ?

A l'international, on notera :
- qu’aujourd’hui le besoin de régulation nationale est explicitement souligné par des organisations aussi libérales que l’OCDE (cf. son SG Angel Gurria à dievrses reprises) depuis 2007;
- qu’on est partout, dans les sociétés anglo-saxonnes, à la recherche du « social good » qui est la traduction privée américaine de contenus apportés chez nous par l’Etat sous le nom de service public. Les universités incluent le social good dans leurs enseignements (Financial Times du 28 janvier 2008 sur le classement des MBA : "schools aspire to be forces for social good, there is a responsability for social good"). Nous disposons d'une longueur d'avance en ce domaine: pouquoi ne pas dissémier professionnelelmtn cette pensée dans les cercles d'influence idoines ?
- que les pays en développement dans lesquels a été appliquée la pure règle financière, qui consistait à favoriser les biens exportables au détriment des cultures vivrières domestiques, ont certes vu pour certains leurs PIB augmenter mais connaissent aujourd’hui des problèmes alimentaires chez les plus pauvres (qui ne sont pas dus qu’aux agrocarburants !) et que ces pays revoient leurs choix à toute allure. Et ce tandis que ces mêmes institutions financières internationales changent de braquet (comme le FMI ou la Banque mondiale).

Autrement dit, les politiques qui ont donné la primauté au financier et au comptable ont globalement réussi à élever le niveau de vie, mais à terme reviennent en partie sur leurs choix d’allégement à tout prix de l’Etat. Dans les pays les plus pauvres et les moins bien gérés, ces politiques ont contribué à faire naître d’importants problèmes sociaux qui finissent par obérer la croissance économique.
Inspirons-nous de ces exemples au lieu de refaire le cycle !
Le problème ne réside pas dans les comptables eux-mêmes, mais dans la maîtrise que devraient en avoir des décideurs politiques responsables, en incluant les préconisations financières dans des visions beaucoup plus larges et à long terme.

Dernier point qui concernera l’Europe : il y a un boulevard pour créer une pensée nouvelle sur des gouvernances qui concilient l’efficacité à court terme du marche et l’efficacité à long terme du service public.
The Economist (9 juin 2007) : « la réflexion européenne se limite trop souvent à commenter l’actualité plutôt qu’à proposer des solutions à moyen terne » http://www.economist.com/
Financial Times (29 février 2008) : “Europe must fight back in the battle for good ideas ». http://www.ft.com/home/europe


J'ai dévelopé ces thèmes dans mes livres, notamment dans "Nous et le reste du monde - Les atouts de la France dans la mondialisation" .
http://www.edsaintsimon.com/livre-detail.php?id=56">

Et dans beaucoup d'articles, voir liste : http://www.irisaction.com/wiki/tiki-index.php?page=Articles+et+Rapports