lundi 14 novembre 2011

Pour une IE efficace et responsable

J'en ai eu un peu assez de voir parler de l'IE uniquement en termes de pratiques douteuses, de guerre, d'intrusion, de "gris" ou de "noir", etc. Alors de manière peut-être moins"sexy" , j'ai essayé de la définir dans une tribune, voir Le Monde.fr

mercredi 2 novembre 2011

Indignée ?

Indignée ? J'ai tendance à comprendre les Indignés même si je suis agacée par certaines personnalités qui les poussent et qui n'ont pas toujours été indignées par les ors de la République.
Je discutais récemment des Indignés avec un jeune Américain, démocrate.Il me disait détester l'attitude "victimaire"de personnes qui bénéficient en Europe de : Education gratuite, Soins médicaux gratuits, Six semaines de vacances par an, Une semaine de travail de 35 heures, Une protection contre la « précarité » i.e. on ne peut pas te virer même si tu ne travailles pas, Le droit de faire la grève à volonté, Une protection pour certains métiers comme pharmacies et cafés qui exclut tous les nouveaux entrants, Un pourcentage incroyable de la classe moyenne qui ne paie même pas d’impôts et (très "drôle" c'était son cas "un étudiant étranger du plus riche pays du monde dans un programme MBA local qui reçoit des chèques mystérieux de plusieurs centaines d’euros qui proviennent de la CAF pour les raisons qu’il ignore toujours".
Il est vrai que l'on peut se poser la question de savoir pourquoi c'est en Europe et maintenant aux Etats-Unis, zones (encore) les plus riches du monde, qu'il y a autant de mécontents. Eh bien je pense qu'ils sont indignés avant tout par ce qu'on pourrait appeler la négligence ou la passivité, ou encore l'incompétence, en tout cas l'absence d'humanisme (je ne dis même pas de morale) de la majorité (pas toutes heureusement) de leurs élites depuis au moins 20 ans. A une époque de croissance où il était possible de faire les réformes nécessaires pour préserver l'avenir, réformes d'ailleurs pas forcément d'économies mais aussi d'investissements réels dans l'éducation, la recherche, ils n'ont songé semble-t-il qu'à profiter du moment. Aucune adaptation aux nouveaux enjeux de la mondialisation. Alors maintenant il faut le faire et on ne trouve rien de mieux que d'adopter une approche purement quantitative. Bref une absence de sens qui inquiète.
Certes ils ont des raisons objectives d'indignation, ces indignés,comme en Espagne, 50% de chômage chez les jeunes. Mais il s'agit aussi d'attitudes que l'on supporte mal. En France, je suis moi-même indignée par beaucoup de choses, une par exemple, qui témoigne d'une absence de morale de certains dirigeants : l'utilisation des stages comme emplois, qui permet de pourvoir à des postes permanents par des diplômés Bac + 4 voire 5 payés 400 euros par mois, auxquels on fera miroiter un CDI pour les motiver. C'est tout simplement honteux et dans mes activités de professeur, je commence à reconnaître ces faussaires (entreprises avec pignon sur rue). J'ai pris la décision de non seulement ne pas faire circuler leurs offres, sauf évidemment exceptions de très grand intérêt, mais aussi de leur faire remarquer leur décalage. Heureusement, il y a plus de propositions décentes que le contraire.
Pour revenir à nos indignés, je le suis aussi, ou plutôt un peu effrayée, quand j'entends comme encore hier matin (c'est quasiment tous les jours en ce moment) France Inter Mme El Karoui professeur de mathématiques financières à Polytechnique interrogée en compagnie d'experts dont je n'aipas saisi le nom, dont il ressort au total exactement le même discours qu'en 2008 au moment de la première crise : eh oui, les produits dérivés peuvent donner lieu à excès, eh oui les opérations à haute fréquence (=automatisées par des ordinateurs qui émettent des ordres au millième de seconde) sont compliquées à manager, il faut les réguler. Ah mais mais on ne peut pas réguler si on n'a pas anticipé. Ah bon, alors il fallait anticiper, eh oui mais il est trop tard. Alors que fait-on? Eh bien, on essaie de voir avec nos partenaires mais c'est compliqué, il y a toujours les US et UK qui ne sont pas d'accord. Je caricature à peine. Je n'en veux nullement à cette dame ni à ces experts, que je prends comme échantillons de la plupart de nos dirigeants et de nos media: un étonnement sans fond devant les conséquences de la mondialisation, un discours peu argumenté, un mélange de formules incantatoires et de résignation soi-disant réaliste.
Mais que font donc les gens qui ont des responsabilités en France ? Du côté des dirigeants privés et publics, essaient-ils parfois de prévoir autre chose que leur propre avenir ou au mieux, celui de leurs actionnaires? Du côté des experts, sachants etc. pensent-ils aux conséquences collectives de ce qu'ils enseignent ou conseillent ? Malgré toutes les manifestations de "responsabilité sociale" tous sont-ils une seconde intéressés par les conséquences de leurs actes sur l'intérêt général ? Quand ils sont choqués par des décisions des marchés ou par des bonus insensés de traders et de CEOs (y compris en France) que font-ils ? N'y a -t il pas place pour de temps en temps parler, quand on le peut? Au niveau de la France, quid d'un bon lobbying, celui des idées, auprès des Européens et dans le monde, pour convaincre de maintenir une garantie minimale de l'intérêt général au niveau mondial, en encadrant les excès? Mais pour réussir cela, il faut d'abord bien comprendre les règles et les mécanismes internationaux, et les anticiper. C'est l'un des aspects de l'Intelligence économique qui se retrouve curieusement une alliée des Indignés. L'eût-on cru ?Je renvoie les lecteurs qui trouveraient mes affirmations par trop péremptoires à la lecture de mon livre "Nous et le reste du monde" (2007) où j'ai détaillé et argumenté mes affirmations. ou encore à se reporter à mon intervention sur "La crise et l'Europe" à Démocratie 2012 en septembre dernier.