samedi 26 mars 2011

Service public et mondialisation - "Nous et le reste du monde"

Le service public français [http://fr.wikipedia.org/wiki/Service_public] est une construction établie au fil de l’histoire, qui a donné dans le passé d’excellents résultats en termes d’équipement du pays et de protection sociale générale. Il est assumé par l’Etat qui parfois en délègue la mise en œuvre. Son problème d'aujourd’hui est qu’il n’avait pas (ou avait peu) évolué dans sa gestion depuis trente ans, du fait d’élites devenues myopes et pour tout dire souvent incompétentes. Du coup, croyant bien faire, les décideurs actuels tentent de le "moderniser" à coup de process et de ratios.

Ce n'est pas la bonne méthode.

Notre pays a depuis la fin du XIXè siècle peu à peu construit un modèle qui est aujourd’hui grippé faute d'avoir été correctement actualisé, mais qui n’est pas pour autant à jeter. Il faut le moderniser, ce qui ne veut pas dire le faire disparaître dans sa conception. Il faut le redynamiser pour nous-mêmes, pour notre économie, et aussi pour notre rayonnement international. Dans la gouvernance mondiale, il peut être un atout. Voir "La gouvernance mondiale a commencé - acteurs, enjeux, influences" http://editions-ellipses.fr/gouvernance-mondiale-a-commence-la-p-5418.html

Il faut moderniser les structures administratives à partir d’une vision politique et d’une stratégie qui tiennent compte de cet historique et qui ne soient pas des « copiés-collés » venant d’autres modèles, notamment du modèle dit anglo-saxon, qui en fait est celui -unique- aujourd’hui véhiculé par les grands cabinets internationaux, fonds, banques d'affaires, et même hélas souvent banques de développement… Celui-ci est devenu une sorte d’idéologie qui comme toutes les idéologies est appliquée sans nuance par ses tenants.

Aujourd’hui certaines mesures prises en France font craindre que leurs promoteurs ne soient victimes de ces préjugés intellectuels ou de cette mode. Les fameuses cellules RGPP sont dominées par des auditeurs privés utiles pour traquer les coûts, qui ont trouvé là des marchés nombreux et bien payés, mais dont la compétence devrait être utilisée et maîtrisée par une vision politique qui intègre d’autres considérations. Sinon, on peut aboutir à casser des outils qui ont seulement besoin d’être réparés. Et ces outils ne sont pas ceux d’un seul établissement, mais de la démocratie française.

Ces décideurs mal inspirés ne font que suivre des orientations données il y a plusieurs années par les institutions de Bretton Woods et par l'OCDE, qui sont parfois allées fort loin dans des pays peu aptes à argumenter, (cf. par exemple l’initiative de cette dernière en octobre 2007 «Partnership for Democratic Governance », qui avait pour objectif de conseiller les Etats en faillite sur la concession au privé de certaines fonctions régaliennes (Justice, Douanes, collecte d’impôts). La France, elle, s'applique toute seule ces méthodes! Alors que même les institutions les plus libérales comme celles précitées en reviennent (voir infra))...

Le service public ou la prestation d'intérêt général, sont composés d’éléments qualitatifs, dont les calculs, grilles et ratios ne peuvent complètement rendre compte. Etrangement, d'ailleurs, l'approche "scientifique" prônée par les auditeurs en tous genres prend rarement en compte les coûts de la disparition des services publics. De la même manière que l'on calcule les externalités -ou bénéfices/coûts collectifs induits- dans les prévisions d’infrastructures, on pourrait certainement "s’amuser" à calculer les coûts à terme en matière de santé, d’éducation, de comportement social… occasionnés par la disparition des structures publiques, notamment en milieu rural, dans les banlieues et à l'étranger.

Un service public de qualité contribue à ce que les économistes appellent « le bien-être » ou « l’indice de bonheur » économiques. Nous possédons une administration de qualité, très généralement honnête, très consciente de son rôle (trop même, c’est le problème souvent, au point d’être imbue de son importance). Il faut corriger ses défauts, dont l'essentiel est le corporatisme exacerbé camouflé sous l'intérêt général, mais là , bien sûr , c'est plus dur parce qu'il faut du courage politique!! Comment s'y prendre ? Eh bien par la formation continue et surtout... par l'exemple venu de haut.

Ne peut-on essayer aussi :
1) de mieux gérer les compétences existantes, c’est-à-dire le cas échéant les réaffecter ? C’est le cas par exemple des censément "trop nombreux" ambassadeurs que l’on pourrait utiliser dans des ministères dits techniques pour les relations internationales qui s’y développent ;

2) de réduire les aides de l’Etat inutiles (au lieu d’en prendre de nouvelles pour compenser des projets de « libéralisation : c’est l’exemple du projet que j’ai entendu sur la libéralisation de l’installation de la grande distribution assortie d’aides « temporaires » au petit commerce).
Il y a notoirement trop d’aides aux entreprises (3800 tout compris, en comptant les locales, régionales et autres), et là pour le coup trop de monde à Paris et en régions pour gérer ce qui est devenu un maquis kafkaïen, d'ailleurs connu uniquement des spécialistes qui en ont le temps, donc des grandes entrpeirses... Il faut les réduire et les simplifier ;

3) de calculer à long terme.
Recourir à l’intérim, très bien, mais d’une part en limitant ces recours à des secteurs très techniques et non sensibles, d’autre part, il n’est pas sûr du tout que cela fasse baisser les coûts in fine…
Recruter de plus en plus sur contrats privés, très bien, mais selon quelles procédures ? Avec des indemnités de licenciement négociables en cas de départ ?

4) de changer l’approche intellectuelle des fonctionnaires et pour commencer des hauts fonctionnaires : par un changement des enseignements dans les grandes écoles, et dès aujourd’hui des formations dans les ministères, notamment à l’international, à l'intelligence stratégique et à la comparaison (benchmark).

Et encore :
- La multiplication des agences et autorités de régulation est-elle une bonne chose pour la cohérence des politiques ?
- A-t-on essayé de mettre en cohérence les fonctions parfois triplement assumées par fonction publique nationale et territoriale ? Et de regarder aussi les coûts et modes de recrutement des fonctions publiques territoriales ?

A l'international, on notera :
- qu’aujourd’hui le besoin de régulation nationale est explicitement souligné par des organisations aussi libérales que l’OCDE (cf. son SG Angel Gurria à dievrses reprises) depuis 2007;
- qu’on est partout, dans les sociétés anglo-saxonnes, à la recherche du « social good » qui est la traduction privée américaine de contenus apportés chez nous par l’Etat sous le nom de service public. Les universités incluent le social good dans leurs enseignements (Financial Times du 28 janvier 2008 sur le classement des MBA : "schools aspire to be forces for social good, there is a responsability for social good"). Nous disposons d'une longueur d'avance en ce domaine: pouquoi ne pas dissémier professionnelelmtn cette pensée dans les cercles d'influence idoines ?
- que les pays en développement dans lesquels a été appliquée la pure règle financière, qui consistait à favoriser les biens exportables au détriment des cultures vivrières domestiques, ont certes vu pour certains leurs PIB augmenter mais connaissent aujourd’hui des problèmes alimentaires chez les plus pauvres (qui ne sont pas dus qu’aux agrocarburants !) et que ces pays revoient leurs choix à toute allure. Et ce tandis que ces mêmes institutions financières internationales changent de braquet (comme le FMI ou la Banque mondiale).

Autrement dit, les politiques qui ont donné la primauté au financier et au comptable ont globalement réussi à élever le niveau de vie, mais à terme reviennent en partie sur leurs choix d’allégement à tout prix de l’Etat. Dans les pays les plus pauvres et les moins bien gérés, ces politiques ont contribué à faire naître d’importants problèmes sociaux qui finissent par obérer la croissance économique.
Inspirons-nous de ces exemples au lieu de refaire le cycle !
Le problème ne réside pas dans les comptables eux-mêmes, mais dans la maîtrise que devraient en avoir des décideurs politiques responsables, en incluant les préconisations financières dans des visions beaucoup plus larges et à long terme.

Dernier point qui concernera l’Europe : il y a un boulevard pour créer une pensée nouvelle sur des gouvernances qui concilient l’efficacité à court terme du marche et l’efficacité à long terme du service public.
The Economist (9 juin 2007) : « la réflexion européenne se limite trop souvent à commenter l’actualité plutôt qu’à proposer des solutions à moyen terne » http://www.economist.com/
Financial Times (29 février 2008) : “Europe must fight back in the battle for good ideas ». http://www.ft.com/home/europe


J'ai dévelopé ces thèmes dans mes livres, notamment dans "Nous et le reste du monde - Les atouts de la France dans la mondialisation" .
http://www.edsaintsimon.com/livre-detail.php?id=56">

Et dans beaucoup d'articles, voir liste : http://www.irisaction.com/wiki/tiki-index.php?page=Articles+et+Rapports